Débuts difficiles, premier matin tout seul, je me demande un peu ce que je fais là...est-ce que tout ça à un sens ? Est-ce que je ne vais pas me lasser de suivre la Saône tout le temps ? Est-ce que je n’aurais pas mieux fait de décaler mon voyage pour rester sur mon projet initial ?

Bref, le revêtement relativement mauvais (du gravillonné principalement), et surtout le vent de face me minent le moral ! Jusqu’au pont d’Ouroux/Saône, où je retrouve une jeune cyclo doublée hier, et où nous optons tous les deux pour l’option de rejoindre Chalon par la « voie Bressane » (qui relie Lons Le Saunier à Chalon), plutôt que par la voie Bleue qui semble en très mauvais état à partir de là...un choix qui s’avère payant puisque cette nouvelle voie verte est très roulante, récemment asphaltée en faux-plat descendant et bien abritée du vent par 2 rangées d’arbres. Elle est même équipée d’outils en libre-service ! Chalon sera vite atteint, grâce aussi à un moral reboosté à fond (autant par la qualité de la route que par les nouveaux paysages offerts). 

Arrivant entre midi et 2 à Chalon, j’en profite pour revisiter rapidement le centre-ville - bien plus calme que pendant le festival Chalon dans la rue ! -, et pour pique-niquer dans un parc avant de passer à l’office de tourisme. 

Tout ça me fait repartir tard, il est plus de 15h et je n’ai fait qu’une trentaine de bornes : allez, là il va falloir commencer à envoyer ! 

Ce sera donc non-stop jusqu’à Verdun-sur-le-Doubs, 30 kilomètres plus loin et avalés rapidement, le moteur Diesel de Léon étant bien chaud cette fois. Puis, je ne peux m’empêcher de faire un détour par le poétique village de Ciel (ma sale manie de prendre en photo les panneaux de noms de communes insolites), ce qui me fait remonter un peu les coteaux du Doubs pour récupérer la voie Bleue au niveau de Saunières.

C’est là que ça va se compliquer : après 70 km, et à bientôt 18h, les genoux commencent à tirer la sonnette d’alarme, je n’ai aucune idée d’où je vais pouvoir dormir (et les champs de maïs et de blé découverts à perte de vue ne me rassurent pas trop), et les réserves d’eau sont proches de zéro. Il est donc temps de faire une pause, à l’arrache sur un bout d’ombre au bord de la route, pour regarder tout ça, se réparer les bobos sur le tibia (grâce à un pansement) et sur le cerveau (grâce à du chocolat).

Bonne nouvelle : il y a l’air d’avoir un camping vélo-friendly et pas cher à Seurre, à 15 km. Je garde donc l’idée de bivouaquer, en me disant que si je ne trouve pas mon bonheur j’aurai une solution de repli ma foi très satisfaisante ! Après avoir rechargé en eau au cimetière de Charnay les Chalon, me voici reparti en scrutant les moindres (et rares) recoins de pelouse discrète...ces derniers kms seront difficiles, à cause de mes genoux et de ce satané vent du Nord qui ne veut vraiment pas être mon copain depuis le début...

Mais les efforts seront récompensés : à 3 km de Seurre, je m’engouffre dans un petit passage au milieu de la végétation qui sépare la route de la Saône...et tombe sur un endroit paradisiaque, un petit bout de rive recouvert d’u petit lit de roseaux, en plein soleil, et me laissant juste la largeur et la longueur suffisante pour la tente ! Gardant quelques doutes sur la qualité du sol (à base de roseaux coupés et d’orties, on a déjà vu mieux), je m’avance d’1 km ou 2 pour voir si l’herbe ne serait pas plus verte ailleurs...mais rien n’y fait, ma visite précédente était mon coup de cœur et me reste constamment dans la tête...je ne peux pas laisser passer l’occasion, il faut que je fasse une offre ! Demi-tour donc, pour planter la tente dans mon palais de roseaux face au soleil. Soleil qui, en se couchant quelques instants plus tard, va m’offrir le plus beau des spectacles à l’heure de déguster un bon quinoa-lentilles corail-thon à l’huile des familles.